Google Street Sadness: Marsal

Psychogéographie de Google Street View

Il n'y a personne, ou presque, dans les rues, sur Google Street View. On se demande comment ils font. En tous cas, on y est bien. On est seul avec ses souvenirs, avec ses fantasmes. Je marche, sur Google Street View, dans mes pas d'autrefois. Je reconstitue mon itinéraire dans cette vie – au sens propre. Je rends hommage à ce que j'ai connu, à ce qui aura été le décor de ma vie – aujourd'hui un décor vide, comme relégué dans les réserves d'un vieux théâtre ; les réserves silencieuses et immobiles du Temps. Je reconstitue aussi les vies, les trajets, les environnements de ceux que j'ai croisées. Chaque itinéraire est une biographie anonyme et cryptée. Je visite enfin, les rues aux abords de celles où j'ai vécues – et que j'ai négligé mille fois d'explorer. Je visite ce pays qui est le mien et dont l'histoire, la langue, les arts, ont formé ma conscience. Il y a une lumière, une luminosité, presque une météo spécifique à Google Street View. Qui me frappe à chaque fois. Des ciels blancs qui ne promettent aucun au-delà. Cette lumière neutre, pale, la vraie lumière du souvenir.

Psychogeography of Google Street View

There is nobody, or almost nobody, in the streets on Google Street View. One wonders how they do it. In any case, you feel good there. You are alone with your memories, with your fantasies. I walk, on Google Street View, in my former steps. I reconstitute my itinerary in this life - literally. I pay homage to what I have known, to what was the setting of my life - today an empty setting, as if relegated to the reserves of an old theater; the silent and immobile reserves of Time. I also reconstitute the lives, the paths, the environments of those I have crossed. Each itinerary is an anonymous and encrypted biography. Finally, I visit the streets near those where I have lived - and that I have neglected a thousand times to explore. I visit this country which is mine and whose history, language, arts, have formed my conscience. There is a light, a luminosity, almost a weather specific to Google Street View. Which strikes me every time. White skies that promise no afterlife. This neutral, pale light, the true light of memory.

mardi 7 juin 2022

Marsal